Catherine Leduc
Un bras de distance avec le soleil
Grosse Boîte, 2017
Y’avait le Coup de Cœur Francophone qui se terminait dimanche, et alors que j’ai souvent vécu ces deux semaines de programmation comme un marathon, tant sur scène qu’accoté au bar, cette année, j’ai vu seulement quatre spectacles, et n’en ai joué qu’un. Y’en a qui font pire score, je sais, mais c’est qu’en plus, il y a le petit Jésus des horaires de spectacles qui m’a mis deux dates back-à-back, parfaitement placées pour manquer Corriveau vendredi, et Maude Audet samedi. Nous, de notre bord, on était à Lachine, puis St-Placide. Ça a été pas mal parfait, ces veillés-là, et je pense bien que c’est le cas de celles que j’ai manquées aussi. Beau problème.
Revenus à la maison après le show de samedi, j’ai quand même poussé ma luck pour retourner en ville dimanche. Belle-mère et belle-tante étaient venues en renfort toute la semaine, elles reprenaient le bus pour Val-d’Or en après-midi. J’irais les reconduire à St-Jérôme et mettrais le cap sur le Quai des Brumes et j’arriverais à temps pour me réchauffer avant l’apéro. Femme et enfant n’y voyaient pas d’inconvénient ; j’avais donc un plan.
C’est que ce soir-là au Quai, il y avait Catherine Leduc en 5 à 7, et la tournée Un bras de distance avec le soleil prenait fin à ce moment même; j’aurais été con de manquer ça, au point où j’ai écouté l’album, au point où j’apprécie la personne. Je dis tournée, je charrie, quand même. Il y a eu seize occasions au cours de la dernière année et demie pour attraper une représentation. Seize. Si peu de tribunes pour un pareil talent. Pas pire problème.
C’est pas que je m’attende à la voir coincée entre Alain Choquette et Marc Dupré dans la programmation du Zénith à St-Eustache ; je m’attends pas non plus à ce que ma mère me dise qu’elle préfère Rookie, son premier album ; pas plus que je m’attends à ce que les Mario de ce monde aient la moindre idée de qui on parle ici. Tu la trouveras jamais dans le catalogue au karaoke, Catherine Leduc, tu ne chantonneras jamais Tes sommets sont mes montagnes, de pair avec les haut-parleurs en file d’attente. Ça passera pas à la tv. À la place, ça passe dans le corps et dans la tête en même temps, à l’insu, puis bang, ça se rejoint direct au cœur, tu pognes de quoi. Tu l’as pas vue venir, celle-là.
De la chanson qui te laisse vivre au travers, qui te respecte si tu fais autre chose en même temps, qui va même être parfaitement heureuse d’avoir été là pendant. De la chanson pas pressée, qui place les mots dans l’espace-temps de façon à ce que t’attrapes pas tout du premier coup, tu reviendras, on est pas sorteux. Et tu reviens, justement, parce que cette chanson-là, tu le vois bien, elle te criera jamais après, elle fera pas de sparages ni de première page criarde ; elle rentre par la même fenêtre que le soleil et te donne une belle part des vitamines dont t’as de besoin quand tu mets un disque.
Ce à quoi je m’attends, c’est que toi, qui lis ce texte peut-être sans en connaître la musique, tu prennes le temps. Après ça, que t’aimes ou pas, ça t’appartient. Mais au moins, tu sauras que, quelque part juste à côté, cette musique-là existe. Et le jour où tu feeleras enfin pour, tu t’en rappeleras. Tu t’en voudras sûrement de ne pas y être venu avant.